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8 janvier 2008 2 08 /01 /janvier /2008 23:59

D’une certaine façon, les grandes puissances mondiales qui soutiennent l’Etat d’Israël de façon inconditionnelle se sont accaparées le langage de l’aide internationale pour éviter de parler celui de la responsabilité politique. La Conférence des donateurs de Paris du 17 décembre 2007 en est un exemple révélateur. La dépolitisation du conflit, loin d’être inéluctable est donc un choix des gouvernements des pays du Nord qui sont aussi les principaux bailleurs de fond internationaux des TPO et cette  dépolitisation volontariste a, à son tour, des conséquences politiques. Le discours développementiste et humanitaire permet de combler le vide politique laissé par les gouvernements des pays du Nord. Au-delà du rôle palliatif ou compensatoire, supposé ou attendu de l’aide internationale, la dépolitisation, accompagnée plus récemment de  l’humanitarisation du conflit et du registre émotionnel, contribue aussi à renforcer la déresponsabilisation de l’Etat d’Israël de ses obligations en tant que puissance occupante par rapport à la population occupée. Mais la dépolitisation du conflit est aussi le fruit de la routinisation dans laquelle sont entrés les acteurs de la configuration développementiste et humanitaire dans les territoires, pris au piège entre leur discours de légitimation et celui qu’on serait en droit d’attendre des décideurs politiques, des acteurs qui sont aussi les témoins à ce jour, de plus de soixante ans de conflit, de processus de paix avortés et de millions de dollars gaspillés.

 

Non seulement l’aide internationale en entretenant le statut quo et en ayant de surcroît, des effets de distorsions sur l’économie palestinienne finance l’occupation et participe à la détérioration de la situation économique dans les territoires ; mais, la substitution du discours de l’aide au discours politique agit comme un cercle vicieux qui en appelle toujours plus à la responsabilité humanitaire internationale et de moins en moins à la responsabilité politique d’Israël. En effet, si on peut fustiger l’aide internationale dans ses principes, ses actions et ses résultats, il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’un coupable de substitution, une sorte de bouc émissaire, peut être volontaire mais qui masque la responsabilité de l’Etat d’Israël dans la crise que traversent les TPO. Si on peut critiquer facilement les gaspillages répétés de l’aide internationale dans les TPO notamment par rapport à ses résultats en accusant facilement cet être invisible et non identifié qu’est la communauté internationale de faire des mauvais choix et de manquer de coordination ; la responsabilité originelle de l’Etat d’Israël dans la situation actuelle des palestiniens a trop tendance à être diluée et occultée à travers la stigmatisation des fonctionnaires de l’Onu aux salaires de dictateurs africains et la dénonciation de l’argent gaspillé dans des projets jugés idiots. Même si les abus sont vrais, il est tout aussi exact que « Depuis la seconde Intifada fin 2000, la facture de l’aide internationale partie en fumée est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros »[1]. Cette aide internationale partie en fumée n’est pas seulement celle qui est allée rejoindre les comptes en banque des hommes politiques palestiniens les plus corrompus mais bien l’argent de l’Union Européenne ayant servi à financer des infrastructures dans les TPO. Pourtant, « Port de Gaza, détruit par Israël. Aéroport de Gaza, bombardé par Tsahal »[2], prennent souvent des allures de catastrophes naturelles comme si Tsahal n’était pas le nom d’une armée étatique mais celui d’un ouragan qui se serait formé en pleine mer Méditerranée.

 

En effet, il n’est pas rare que certaines voix rappellent que les Palestiniens ne sont « pas pauvres à cause d’une catastrophe naturelle, mais parce qu’ils vivent sous occupation »[3].Ce rappel nécessaire et pourtant irréaliste est aussi le fait, d’un côté, de la substitution du langage de l’aide internationale au discours politique qui « revient à ranger la colonisation et l’occupation d’un peuple par une armée au rang de catastrophe naturelle »[4] mais elle est aussi, d’un autre côté, le fait d’une forme de routinisation dans laquelle se sont progressivement engouffrés certains acteurs de la configuration développementiste et humanitaire depuis plus de soixante ans. Le facteur temps joue un rôle très important dans le contexte israélo-palestinien. Soixante ans de conflit, c’est long. Il n’y a jamais eu de véritable sortie de crise pour les acteurs de la configuration développementiste et humanitaire. Ils n’ont jamais quitté le territoire depuis le début de l’occupation. En d’autres termes et, sans aller à dire qu’il s’agit d’une répétition d’échecs, les projets des acteurs de la configuration dans les territoires se renouvèlent depuis plus de soixante ans. Ils n’ont, en tout cas, jamais de fin. L’Onu a développé dans les territoires un réseau de programmes sans comparaison possible avec d’autres parties du globe. Le réseau onusien représente autant d’agences pourvoyeuses d’emplois pour de nombreux internationaux mais aussi au niveau local. Les acteurs de la configuration développementiste et humanitaire sont, en quelque sorte, bien implantés dans les TPO, ils y sont même, installés.

 

Ils ont aussi évolué avec le conflit au point d’en devenir l’un des protagonistes. Aujourd’hui, force est de constater qu’ils acceptent un certain scénario : celui d’éviter que la situation ne soit pire qu’elle ne l’est déjà pour les palestiniens et pourtant, ils n’arrivent même pas à tenir ce rôle. Qu’ils renflouent les caisses, qu’ils compensent, ils cantonnent, qu’ils évitent la banqueroute où qu’ils colmatent, ils participent à un cercle, à chaque tour un peu plus vicieux. Ils font ce que leurs collègues et financeurs, les bailleurs de fonds de la configuration, leur demandent de faire, ce que ceux qui définissent les règles du jeu ont choisi comme solution pour les TPO : ils aident de la façon qui le leur est demandée, avec plus ou moins de marge de main d'oeuvre et ils se font concurrence pour obtenir des fonds. Mais, tous ces acteurs partagent au moins une chose : seule la force de leur discours et de leur langage de légitimation pallie les insuffisances de la routine d’action dans laquelle ils se sont installés en Palestine. Ils sont toujours indispensables mais ils sont de moins en moins crédibles. Qu’ils financent l’occupation israélienne depuis 60 ans, qu’ils développent de nouveaux programmes humanitaires pour sauver des vies palestiniennes où qu’ils se plient aux exigences des donateurs internationaux, ils endossent avec le temps, la responsabilité qu’Israël n’a jamais voulu assumer et qu’on ne lui a jamais demandé d’assumer. Ils deviennent, qu’ils l’aient choisi ou non, les complices de la lâcheté politique des acteurs/décideurs de la scène internationale.

 

AM

 



[1] Georges MALBRUNOT, « L’argent gaspillé de la paix », in Le Figaro, lundi 17 décembre 2007

[2] Ibid

[3] Ibid

[4] Mériem BOUCHEFRA et Denis SIEFFERT, « Palestine : le double langage des occidentaux », in Politis, 18 Mai 2006

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